Le 25 mars : Gernica

J'ai un peu tardé à clore cette chronique du 25 mars. Nous sommes le 31 mars. Le soleil printanier et la reprise du travail y sont pour beaucoup dans ce retard. J'ai repris mon activité professionnelle le mardi 25 mars. Les nouvelles sont bonnes. Après une chimiothérapie effectuée le 27 et 28 février, j'ai profité de ma présence à l'hôpital Saint-Louis pour effectuer un examen de densité osseuse afin de vérifier que mes problèmes osseux se sont stabilisés, voire même résorbés partiellement. J'aurai les résultats à la prochaine séance. Retrouver les médecins me permet de glaner quelques informations techniques sur ma santé, mon traitement et maintenant sur l'après traitement. Cela permet aussi de connaître les changements organisationnels du service et de prendre connaissance des dernières nouveautés. Le Glivec par exemple, un médicament dont les premiers résultats sont spectaculaires en hématologie et dans certains types de tumeurs cancéreuses. De retour à la maison, j'ai eu très peu de nausées, à croire que je m'habitue. Du coup j'ai une meilleure confiance en moi et je redoute moins le prochain traitement. Mais l'actualité me laisse un moral en dents de scie. Je me sens fragile psychologiquement. Le travail me permet de m'occuper l'esprit et de m'échapper.

Détail de la première journée

Retour à l'hôpital Saint-Louis le 27 février. Je suis arrivé 45 minutes en retard. Pourtant Michel, le taxi, est passé à l'heure habituelle, mais très vite nous nous sommes trouvés bloqués sur l'autoroute A10 à la hauteur des Ulis. Nous sommes sortis à la gare de Massy, avons rejoint la zone industrielle d'Orly, puis la RN7 à Belle Epine jusqu'à la place d'Italie pour reprendre enfin le chemin habituel jusqu'à Saint-Louis. Le trafic était vraiment très encombré. Horia, l'infirmière de l'hôpital de jour m'a indiqué ma chambre, la 16. L'examen ostéodensitométrique a été fixé à 14h30. Je l'avais imaginé avant la chimiothérapie pour plus de confort. "Ce sera plus dur", me suis-je dit avec résignation. La chimiothérapie a commencé aussitôt pour être sûr d'être à l'heure pour l'examen. Préparation de la perfusion avec une base glucosée, puis l'ajout d'un flacon de bicarbonate de sodium pour adapter l'acidité du sang au Métotrexate. Visite d'une jeune femme médecin externe : questions, auscultation, palpations... c'est bon ! Enfin, je veux dire que je suis apte pour l'injection. Le PH est de 8, la chimiothérapie peut commencer. Mon plateau repas arrive peu de temps après. Il est déjà midi. Je n'ai pas faim. Je me force tout de même. Horia a accéléré le débit de peur que la durée de l'injection ne mette en péril le rendez-vous pour l'examen. L'injection fut terminée à 14 heures. Horia m'a débranché, j'ai laissé toutes mes affaires pour rejoindre le service de radiologie. Le chemin pourtant court, 150 mètres au plus, m'a paru interminable. Les effets du produit sont déjà présents, je sens mon cerveau se chiffonner, mes mains fourmiller.

L'examen ostéodensitométrique

Sur le lieu d'attente, j'ai emporté un livre mais je n'ai aucun goût pour la lecture. La femme qui est avant moi était arrivée en retard, mon rendez-vous s'en trouve décalé de 30 minutes. Assis inconfortablement, j'ai incliné la tête en arrière contre le mur. J'ai fermé les yeux comme pour tuer le temps. C'est à mon tour. Je pénètre dans la salle, celle-là même qui m'avait reçu il y a un an. Salle agréable, ambiance boisée. Je me suis allongé sur la table. Cela me fait du bien de m'allonger car je ne me sentais pas bien depuis l'injection. Je m'endormirais bien. Allongé sur le dos, les jambes bien étendues, le pied droit immobilisé en position tourné légèrement vers l'intérieur, je suis prêt pour un cliché du col du fémur droit. Acquisition rapide pour bien le localiser. Pendant cette manipulation, je regarde autour de moi. Le plafond tout d'abord, puis l'éclairage fait de petits spots halogènes, on se croirait chez le coiffeur. A gauche les armoires vitrées laissent entrevoir les accessoires de la machine et les dossiers empilés. A droite, mon regard s'est fixé un instant sur le paravent protégeant la manipulatrice des rayons X. Large d'un mètre au plus et d'une hauteur d'un mètre cinquante, je le trouve d'une surface insuffisante, sans doute par ma peur des rayons X depuis ma maladie. Rappelez-vous, ils sont probablement à l'origine de celle-ci. Le cliché obtenu demande un meilleur cadrage. Pendant ce nouveau cadrage, la manipulatrice entre mes données dans un ordinateur à proximité, mais en dehors du champ de protection. La cloison protectrice est donc trop petite. Le cadrage n'est toujours pas satisfaisant et la manipulatrice se confond en excuses, arguant qu'elle est peu habituée à la morphologie masculine : ce type d'examen étant pratiqué en grande majorité sur des femmes. Elle tente d'arrêter la machine directement au collimateur s'exposant encore davantage aux radiations. Je ne souffle mot, mais je ne peux m'empêcher de repenser à l'entretien avec le docteur Cormier, rhumatologue à l'hôpital Cochin. Lui faisant part de mon inquiétude d'un nouvel examen et des doses auxquelles j'allais être encore exposé, elle m'avait rétorqué qu'elles étaient équivalentes à celles d'un vol Paris-New York aller et retour. Combien cette manipulatrice a-t-elle effectué de Paris-New York devant cette machine ? Ne doit-elle pas faire attention à sa santé ? J'ai envie de le lui dire, de lui crier qu'elle met sa vie en danger à s'exposer ainsi. Les mots se bousculent, je bafouille quelque chose d'incompréhensible et je suis interrompu par un : "le cadrage est bon cette fois !". La vraie acquisition peut donc commencer. Mon cerveau continue à se chiffonner, mes mains à fourmiller, mes joues aussi depuis peu : toujours les effets de la chimiothérapie. Je ferme les yeux jusqu'à la fin de l'examen.

Retour à la maison

Retour à ma chambre, j'ai attendu longtemps mon taxi qui voyant l'heure filer s'était vu contraint d'aller chercher une patiente à Saint-Cloud. J'en ai profité pour me reposer en attendant, et même dormir un peu. A 17h00, la patiente ayant accepté de faire un crochet par Saint-Louis, nous sommes rentrés ensemble. Elle habite à Saint Arnoult. Nous échangeons des informations sur nos cancers respectifs. Elle a un cancer du sein et a subi deux interventions chirurgicales, 6 chimiothérapies et une quarantaine de séances de radiothérapie. C'est son avant dernière séance aujourd'hui. Excellente nouvelle ! Parallèlement, un examen PET-scan a confirmé l'éradication complète. Mais si toute trace de tumeur a disparu au niveau du sein, l'examen met en évidence une tumeur naissante à la thyroïde. L'examen n'aurait vraisemblablement pas été détecté en radiologie conventionnelle. Ayant appris mon histoire, nous finissons par conclure de concert que si son succès n'est qu'en demi-teinte, c'est un succès tout de même !

Détail de la deuxième journée à Saint-Louis

Le lendemain, le Dr Raffoux est venu me voir. Je ne m'y attendais pas. J'ai toujours plaisir à le retrouver, lui qui m'a si gentiment accueilli aux urgences il y a deux ans. Il demande comment je vais, visiblement il a lu ma dernière chronique, je n'ai plus grand chose à raconter. Nous parlons de mon avenir, du suivi qui viendra après le traitement, de Delphine dont j'avais entendu qu'elle quittait l'hôpital de jour. En fait, elle ne le quitte pas vraiment, mais biologiste reconnue, elle va se consacrer davantage à la recherche. Nous parlons de la dernière avancée majeure, le Glivec, un traitement qui s'attaque à la cause de la maladie. Nous parlons de la protéine P53... Je perds pieds face à cette science qui n'est pas la mienne. C'est un monde tout aussi ésotérique que le mien : l'informatique, avec son vocabulaire parfois inaccessible. Il y a une différence cependant, ma vie est à la clé aussi ai-je tenté de combler quelques carences en consultant... Internet, ma source principale. Voici un bref résumé de la publication montrée à la " Journée de Gastro-entérologie de l'Hôpital Henri Mondor" et d'une publication dans le New England Journal of Medicine" (NEJM) du 13 mars 2003 reporté par "mesnouvelles.branchez-vous.com" :

Cette importante découverte est le résultat de la quasi simultanéité de la découverte d'une anomalie moléculaire spécifique et causale d'une tumeur maligne (GIST ou tumeur stromale digestive) avec la découverte du médicament spécifique de cette anomalie moléculaire. Le STI 571, (Glivec®) synthétisé en 1993, a d'abord acquis ses lettres de noblesse dans certains cas de leucémie myéloïde chronique. Les patients qui ont reçu Glivec ont présenté une meilleure survie globale sans évolution de la maladie que ceux recevant IFN (Interferon) + Ara-C (Aracityne) : 92 % et 74 % respectivement après 18 mois. De plus, il révolutionne le pronostic des GIST localement avancés, inopérables et/ou métastatiques : 30% de patients en vie à un an avant l'ère du Glivec, 90% environ après, avec 80% et 70% des patients toujours sous traitement 12 et 18 mois après leur inclusion dans les études prospectives. Il est en train de révolutionner la prise en charge et le pronostic des tumeurs hautement chimiorésistantes. II s'agit de la première application du concept "anomalie moléculaire spécifique - traitement spécifique" en Oncologie. C'est la plus grande découverte thérapeutique dans les tumeurs solides avancées inopérables depuis plus de 20 ans. Ce produit a obtenu l'autorisation de mise sur le marché aux Etats-Unis le 2 février 2002, et en Europe en juin 2002.

Le PET-scan semble être le meilleur examen radiologique pour évaluer précocement l'efficacité de ce nouvel agent spécifique non chimiothérapique. Celui-ci montre une diminution de plus de 50% des hyper fixations des masses tumorales chez 80 à 90% des patients alors que le volume tumoral peut rester inchangé ou en diminution modérée progressive au cours du temps avec les techniques d'imagerie conventionnelle.

Le démembrement et la re classification des tumeurs grâce à la Biologie Moléculaire et à la Cytogénétique couplée à la découverte de nouvelles molécules spécifiques inaugurent la Pharmacogénomique de demain où chaque tumeur pourra être traitée en fonction de ses caractéristiques génétiques. Le voyage vient de commencer...

Retour à la maison

La vie ne vaut rien rien
La vie ne vaut rien
Mais moi quand je tiens tiens
Là dans mes mains éblouies
Les deux jolis petits seins de mon amie
Là je dis
Rien rien rien
Rien ne vaut la vie

Alain Souchon : "La vie ne vaut rien"

Guernica (Picasso)

Gernica

 

 

Théo FannyJeux de couleurs

 

Théo et Régis : joyeux anniversaire !

Jérôme et QuentinFrançoise et ArmandAzitaLa maman d'AzitaAli et SeprQuentin, Jérôme, Françoise, Azita  et Valentin. Le papa d'Azita

Dernières recommandations.Le car est là.Encore quelques grimaces.Allez Morgane, un petit sourire ! A bientôt.

 

Turlulu,Turlulu, Turlulu, Tah! Tah! Tah! ... Ici Londres !...

Voilà, il est temps maintenant de retourner travailler ! Rendez-vous mardi 25 mars pour un nouveau bain bouillonnant au travail. A bientôt

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